Attention, article pavé dans le Pho... 2 articles dans la même semaine, mes lecteurs vont friser l'arrêt cardiaque mais il se trouve qu'un petit événement m'a chiffonnée toute la semaine...
Nain est rentré tout guilleret de l'école cette semaine en criant : "tching-tchong! tching-tchong!!! tchiiiing-tchôôôôôông!!"
Cela m'a heurté les oreilles non seulement parce qu'un enfant qui hurle dans le salon, c'est pénible mais surtout parce que ce terme n'est pas aussi anodin qu'il n'en a l'air.
tching-tchong, c'est un peu l'équivalent de négro ou bougnoule, version asiatique. Plus jeune, j'ai surtout encaissé des "chinetoque", "jaune d'oeuf" ou autres vexations alors que le meilleur terme pour ma part est "niakwé", injure raciste qu'utilisaient les colons au Vietnam pour désigner la population locale.
Bref, ce genre de terme n'a rien de sympathique, même s'il est lancé comme une boutade, et les personnes qui utilisent ce genre de terme le sont encore moins. Certains vont monter au créneau en disant que "tching-tchong" est moins injurieux que négro ou boukak.
Et bien non. C'est tout aussi vexant (du moins pour ma part et 80% des asiatiques que je connais) et en tolérant ce genre d'appellation, on ouvre la porte grande ouverte à un tas d'abrutis qui n'hésitent pas à utiliser ce genre d'insultes dans leur langage de tous les jours : en gros, on prend le risque d'une banalisation des injures racistes.
Bien sûr, en grandissant, il faut apprendre à flotter au dessus (ou en dessous) de ces provocations et la meilleure réplique reste le dédain (même si un bon vieux "et toi tu pues du bec et ta mère elle suce des bites" peut s'échapper malencontreusement, faudra pas nous en vouloir...).
Mais revenons plutôt à Nain :
Nain : "tching-tchong! tchong-tchong!"
Zaza : "Dis donc toi, d'où tu sors ce mot??"
Nain : "C'est un grand à l'école qui m'appelle comme ça!"
Zaza : "Et ça lui arrive souvent de t'appeler comme ça??"
Nain : "Oui, tous les jours! Parfois il m'appelle par mon prénom mais il préfère tchin-tchong"
Zaza : "Et il est en quelle classe? il s'appelle comment?? (je veux aussi son nom de famille, le N° de sécurité sociale de ses parents, son adresse, son gabarit etc...)
Nain : "Je sais pas c'est un grand!"
Bref, Mari et moi nous regardons avec fronçant les sourcils et la louve qui sommeillait en moi commence à se limer les griffes en hurlant des "ahouuuuuuuuu-ahouuuuuuuu"!!!
Zaza : "Putain je vais me le faire celui-là, je vais choper ses parents entre 4 yeux et leur expliquer que s'il continue comme ça, leur fils va se prendre un aller-retour bien mérité"
En fait, je vous ai menti, je n'ai pas vraiment pris en maturité sur le sujet et comme je suis plutôt soupe-au-lait, ça risque pas de s'arranger....
Mari, toujours zen-y m'énerve : "Ecoute, n'en faisons pas un drame. Il s'en fout parce qu'il ne comprend pas que c'est une injure. Et puis ce ne sont que des enfants, quand ce n'est pas sur la couleur de peau, les enfants s'envoient des insultes sur le poids, les traits disgracieux, les mauvaises notes, les fringues moches. J'ai déjà entendu ton fils traiter un de ses copains de "gros".
Zaza : "N'empêche que ça soule... On fait quoi alors? On dit rien? On en parle à la directrice de l'école? je fais un post sur facebook? On-fait-quoi??"
Mari : "...."
Zaza : "..."
Nain : "Tchin-tchong!! Tchiiiiiinnnnn-tcccchhhhhoooooong!!!!"
Oui, on fait quoi quand son enfant commence à se faire insulter sur sa couleur de peau?
J'avais jusqu'à présent mis Nain à l'abri : expatriation à gogo (comme je l'avais expliqué dans cet article précédent les élections, les expatriés votent très rarement extrême-droite, c'est illogique!), écoles privées, milieu bourgeois, uniforme obligatoire mais au final.... Tout comme moi, parachutée de la 6ème à la Terminale dans un établissement de bonnes soeurs, les filles de couleur se comptaient sur les doigt d'une main.
Ainsi, Nain se retrouve un des rares enfants de couleur dans sa petite école et ma grande crainte est que tous les autres enfants l'appelle de la sorte, comme une blague collective...
Je savais bien pourtant que cela arriverait un jour ou l'autre, je ne vais pas pouvoir le protéger toute sa vie contre les injures racistes : il est jaune, il est jaune, y'a rien à changer. Point barre.
Ha.... "tu quoque mi fili", tu vas devoir en encaisser des blagues vaseuses mais maman va t'apprendre à te défendre et surtout, à ne pas accorder tant d'importance à la méchanceté gratuite et à la bêtise humaine, tout en restant digne et respectueux des autres...
Nain : "tchin-tchooooooooong"
Zaza : "Bon, ça va, on a compris! Et tu lui réponds quoi au grand quand il t'appelle comme ça!"
Nain : "Je lui dis : espèce de crapaud!!"
Zaza : "C'est bien mon fils!! Je suis fière de toi!"
Et la prochaine fois, tu lui diras qu'il pue du bec et que sa mère, elle suce des bites...